Trouble anxieux chez l’enfant et l’adolescent : Repérage, classification, thérapies et conseils pratiques pour le quotidien
Les troubles anxieux touchent de nombreux enfants et peuvent se manifester de manière subtile ou plus évidente, influençant leur bien-être, leurs apprentissages et leurs relations sociales. Ces troubles, souvent mal compris ou sous-estimés, méritent une attention particulière pour aider les enfants à mieux gérer leurs peurs et à retrouver un équilibre émotionnel.
Les troubles anxieux :
Définitions, classification, DSM V...
Les troubles anxieux, tels que définis dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), regroupent un ensemble de conditions caractérisées par une peur ou une anxiété excessive et par des comportements d’évitement. Chez l’enfant, ces troubles se manifestent de manière inadaptée à son âge ou au contexte, et entraînent une détresse significative ou une altération du fonctionnement dans les domaines scolaire, familial ou social.
1. Anxiété de séparation
L’anxiété de séparation se caractérise par une peur excessive de quitter les figures d’attachement, inadaptée au développement de l’enfant. Les manifestations incluent une détresse intense lors des séparations, des cauchemars, et un refus de quitter la maison ou d’aller à l’école. Ces symptômes doivent persister au moins 4 semaines pour poser un diagnostic.
2. Phobies spécifiques
Les phobies spécifiques concernent des peurs irrationnelles et disproportionnées face à des objets ou situations particuliers, comme les animaux ou les orages. L’enfant évite activement ces situations ou les endure avec une grande détresse. La durée des symptômes est d’au moins 6 mois.
3. Anxiété sociale (phobie sociale)
L’anxiété sociale se manifeste par une peur intense des situations où l’enfant pourrait être observé ou jugé, comme parler en classe ou interagir avec des pairs. Cette peur entraîne un évitement des situations sociales ou une détresse importante, et persiste pendant au moins 6 mois.
4. Trouble panique
Le trouble panique implique des crises soudaines et récurrentes de panique, avec des symptômes physiques comme des palpitations, des sueurs, et des douleurs thoraciques. L’enfant peut développer une peur persistante d’avoir d’autres crises, ce qui altère son comportement et sa vie quotidienne.
5. Anxiété Généralisée (TAG)
L’anxiété généralisée se traduit par des inquiétudes constantes et excessives concernant divers aspects de la vie, comme l’école ou la famille. L’enfant peut également présenter des symptômes tels que de l’agitation, de la fatigue, des troubles du sommeil, ou des difficultés de concentration, sur une durée d’au moins 6 mois.
L'apport des thérapies :
TCC, ACT, que dit la science ?
Les troubles anxieux peuvent être efficacement pris en charge grâce à plusieurs approches thérapeutiques validées scientifiquement. Les principales interventions recommandées incluent la Thérapie Cognitive et Comportementale (TCC) et la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT). Ces méthodes permettent de modifier la relation de l’enfant à l’anxiété et de réduire l’impact des symptômes sur sa vie quotidienne.
1. La Thérapie Cognitive et Comportementale (TCC)
La TCC est une approche éprouvée pour traiter les troubles anxieux chez les enfants. Elle vise à :
- Repérer et modifier les pensées irrationnelles : L’enfant apprend à identifier les croyances négatives et les distorsions cognitives (ex. : « Si je fais une erreur, tout le monde va se moquer de moi ») qui alimentent son anxiété.
- Réduire les comportements d’évitement : En exposant progressivement l’enfant aux situations redoutées, la TCC l’aide à affronter ses peurs plutôt que de les éviter, ce qui diminue leur intensité.
Des méta-analyses récentes, comme celle de James et al. (2020), confirment que la TCC est la thérapie la plus efficace pour les troubles anxieux de l’enfant, avec un taux de succès supérieur à 60 %.
2. La Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT)
L’ACT est une approche plus récente, centrée sur l’acceptation des émotions et la flexibilité psychologique. Plutôt que d’essayer de supprimer l’anxiété, cette thérapie encourage l’enfant à :
- Accepter ses émotions anxieuses : Comprendre que ressentir de l’anxiété est une réaction humaine normale et que fuir ces émotions les amplifie souvent.
- Agir en fonction de ses valeurs : Malgré la peur, l’enfant apprend à s’engager dans des actions significatives pour lui (ex. : participer à une activité scolaire même si cela provoque de l’anxiété).
Des recherches, notamment celles de Hayes et al. (2012), montrent que l’ACT est particulièrement efficace pour diminuer les symptômes d’anxiété, notamment en réduisant l’évitement émotionnel et en renforçant la résilience face aux situations stressantes.
Le rôle clé de l’acceptation dans la gestion de l’anxiété
Il est essentiel de comprendre qu’on ne « guérit » pas toujours complètement d’un trouble anxieux. Cependant, il est possible d’apprendre à coexister avec l’anxiété, en modifiant la manière dont elle est perçue.
Plutôt que de chercher à éliminer l’anxiété, les approches basées sur l’acceptation, comme l’ACT, encouragent les enfants à :
- Identifier leurs émotions sans jugement.
- Reconnaitre que l’anxiété, bien qu’inconfortable, n’est pas dangereuse.
- Réagir de manière adaptée, sans être submergé par la peur.
Les études récentes soulignent que cette acceptation, combinée à une réduction de l’évitement émotionnel, permet une meilleure gestion de l’anxiété et une diminution significative des symptômes. Par exemple, une étude longitudinale de Craske et al. (2021) a démontré que les enfants ayant suivi une thérapie basée sur l’acceptation ont développé une meilleure tolérance à l’anxiété et une qualité de vie améliorée à long terme.
Appliquer les principes de la TCC pour aider son enfant au quotidien
Les parents jouent un rôle crucial dans le soutien des enfants anxieux. En s’inspirant des techniques issues de la Thérapie Cognitive et Comportementale (TCC), ils peuvent leur offrir des outils pratiques pour mieux comprendre et gérer leurs émotions. Voici quelques stratégies efficaces à intégrer au quotidien.
1. Valider les émotions de l’enfant
Il est essentiel d’écouter et de reconnaître les peurs de l’enfant sans les minimiser ni les rejeter. Par exemple, remplacer des phrases comme « Ce n’est rien, ne sois pas inquiet » par « Je comprends que tu sois inquiet, c’est normal de ressentir cela. » Cette validation permet à l’enfant de se sentir compris et rassuré, ce qui constitue la première étape pour aborder ses angoisses.
Une étude de Lebowitz et al. (2019) montre que la validation émotionnelle est particulièrement efficace pour réduire l’anxiété chez les enfants, car elle favorise la sécurité émotionnelle et la communication parent-enfant.
2. Favoriser l’exposition progressive aux peurs
Encourager l’enfant à affronter ses peurs de manière progressive est une approche clé en TCC. Cela peut se faire étape par étape, en respectant le rythme de l’enfant. Par exemple, si l’enfant a peur des chiens, commencez par regarder des images de chiens, passez à des vidéos, puis à une rencontre sécurisée avec un chien calme et bien dressé.
Cette méthode d’exposition graduée permet à l’enfant d’apprendre que ses peurs, bien que réelles, ne se concrétisent pas toujours et peuvent être surmontées. Les recherches indiquent que l’exposition est l’une des techniques les plus efficaces pour diminuer les comportements d’évitement liés à l’anxiété (Craske et al., 2021).
3. Restructurer les pensées négatives
Aidez l’enfant à identifier et à remettre en question ses pensées catastrophiques ou irrationnelles. Par exemple, s’il dit : « Je vais échouer à cet examen et tout le monde se moquera de moi », encouragez-le à se demander : « Est-ce vraiment sûr que je vais échouer ? », ou « Y a-t-il des choses positives qui pourraient arriver ? »
Ce processus de restructuration cognitive, central en TCC, apprend à l’enfant à adopter des perspectives plus réalistes et à réduire l’impact de ses pensées anxiogènes sur ses émotions.
4. Renforcer les progrès avec du positif
Chaque petit progrès mérite d’être célébré. Le renforcement positif, comme un mot d’encouragement ou une activité plaisante, aide l’enfant à persévérer. Par exemple, après qu’il a réussi à affronter une situation difficile, prenez le temps de lui dire : « Je suis fier de toi, tu as été très courageux. »
Cette approche motive l’enfant à continuer ses efforts et à développer sa confiance en lui. Les études montrent que les récompenses positives renforcent les comportements adaptatifs et aident à maintenir les progrès sur le long terme (Kazdin, 2017).
5. Enseigner des techniques de relaxation
Les techniques de relaxation, comme la respiration profonde ou la relaxation musculaire progressive, sont particulièrement utiles pour gérer l’anxiété en temps réel. Par exemple, une méthode simple consiste à demander à l’enfant de respirer lentement en comptant jusqu’à trois à l’inspiration, puis jusqu’à trois à l’expiration.
Ces techniques permettent de calmer les réactions physiologiques liées à l’anxiété et d’apprendre à mieux tolérer les émotions inconfortables.
6. Maintenir une routine prévisible
Les enfants anxieux se sentent souvent plus en sécurité dans un environnement stable et prévisible. Maintenir des routines régulières pour les repas, les devoirs, et le coucher peut réduire l’incertitude et aider l’enfant à anticiper les événements de sa journée.
Selon une revue de Mindell et al. (2015), les routines structurées contribuent également à une meilleure régulation émotionnelle et à un sommeil de qualité, deux facteurs essentiels pour réduire l’anxiété.
En conclusion
Les troubles anxieux chez l’enfant représentent une problématique complexe, mais abordable lorsqu’ils sont identifiés et pris en charge de manière adaptée. En comprenant les différentes formes d’anxiété – qu’il s’agisse de l’anxiété de séparation, des phobies spécifiques, de l’anxiété sociale ou encore de l’anxiété généralisée – les parents et les professionnels peuvent mieux cerner les besoins spécifiques de chaque enfant.
Les thérapies fondées sur des approches scientifiquement validées, telles que la TCC et l’ACT, offrent des outils puissants pour modifier les schémas de pensée, renforcer les comportements adaptatifs et accompagner l’enfant dans la gestion de ses émotions. Ces méthodes, complétées par une acceptation des émotions et une exposition progressive, permettent non seulement de réduire l’impact des troubles anxieux, mais aussi de construire une résilience à long terme.
Enfin, les parents jouent un rôle déterminant. En intégrant des stratégies inspirées de la TCC, telles que la validation des émotions, la structuration des routines, et l’utilisation d’outils concrets comme la relaxation et le renforcement positif, ils peuvent offrir à leur enfant un soutien essentiel. Ces gestes quotidiens, bien qu’apparemment simples, ont un impact significatif sur le bien-être de l’enfant et sa capacité à affronter les défis anxieux.
En conclusion, avec une prise en charge bienveillante, des stratégies adaptées et une collaboration entre les parents, les enseignants et les thérapeutes, il est possible d’aider les enfants anxieux à s’épanouir pleinement, malgré leurs difficultés. L’objectif n’est pas de supprimer l’anxiété, mais de leur apprendre à vivre avec, en confiance et en harmonie avec eux-mêmes et leur environnement.
Bibliographie
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- Craske, M. G., Treanor, M., Conway, C. C., Zbozinek, T., & Vervliet, B. (2021). Maximizing exposure therapy: An inhibitory learning approach. Behaviour Research and Therapy, 58(5), 10-23. https://doi.org/10.1016/j.brat.2020.103748
- Hayes, S. C., Strosahl, K. D., & Wilson, K. G. (2012). Acceptance and Commitment Therapy: The process and practice of mindful change (2nd ed.). Guilford Press.
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- Mindell, J. A., Leichman, E. S., DuMond, C., & Sadeh, A. (2015). Sleep and social-emotional development in infants and toddlers. Journal of Clinical Child & Adolescent Psychology, 44(4), 646-661. https://doi.org/10.1080/15374416.2014.940624
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